mercredi 25 avril 2018

LECTURE critique (résumé) de Vers les confins en 3 langues (Claudine Gaetzi)

présentation en français, allemand, italien (Revue Viceversa) de Claudine Gaetzi :  

EN FRANCAIS : 

Ce volume rassemble une quinzaine de récits publiés en partie entre 2006 et 2016, en revue ou en ouvrage collectif. Voyager vers les confins, se laisser dériver dans la direction de lieux lointains dont les frontières seraient difficiles à déterminer et vivre l’expérience impossible à provoquer volontairement de l’épiphanie, ou illumination profane, qui offre fugitivement une compréhension absolue du monde, tels sont les thèmes traités par David Collin, qui entrecroise savamment souvenirs de voyage, réflexions et références littéraires pour construire une poétique et une philosophie du voyage où flâner et se perdre permet de se retrouver. (cg)

IN DEUSTCH :

David Collins Entre les confins vereint rund fünfzehn Texte, die teilweise zwischen 2006 und 2016 in Zeitschriften oder Sammelbänden erschienen sind. «Zu den Grenzen» (wie es im Titel heisst) reisen, sich an weit abgelegene Orte treiben lassen, deren Umrisse schwer festzustellen sind, oder die Erfahrung einer «Epiphanie», einer profanen Illumination, die unmöglich absichtlich herbeizuführen ist, und die momentweise eine absolute Kenntnis der Welt eröffnet – dies sind die Themen, die David Collin umkreist. Dabei verflicht er gerne und gekonnt Reiseerinnerungen, Überlegungen und literarische Anklänge und schafft so eine Poetik und eine Philosophie des Reisens, in der man gerade beim Flanieren und sich Verlieren zu sich findet. (cg, Übers. rg)

ITALIANO :

La nuova opera di David Collin raccoglie una quindicina di racconti pubblicati in parte in riviste o volumi collettivi tra il 2006 e il 2016. Viaggiare verso i confini, lasciarsi andare alla deriva in direzione di luoghi lontani le cui frontiere sono difficili da determinare e vivere l’esperienza inadatta a provocare volontariamente dell’epifania – o illuminazione profana – che offre fuggevolmente la comprensione assoluta del mondo; questi i temi trattati da David Collin che intreccia sapientemente ricordi di viaggio, riflessioni e referenze letterarie per costruire una poetica e una filosofia del viaggio in cui il perdersi e il vagare permettono di ritrovarsi. (cg, trad. cbj)


ARTICLE, Vers les confins, Revue Vice-Versa littérature, Avril 2018

"Ce volume rassemble une quinzaine d’articles publiés entre 2006 et 2016, en revue ou en ouvrage collectif, auxquels s’ajoutent quelques inédits qui éclairent et complètent le propos ; ces textes ont pour thème le voyage vers ces lieux incertains, imprécis et situés à une lointaine frontière que sont les confins; ils traitent de l’aventure intérieure que favorise le voyage si l’on sait s’oublier, d’une quête existentielle où il s’agit de ne s’attendre «précisément à rien», tout en étant porté par l’espoir de trouver «cet accès si discret au cœur de soi, et parvenir au point où se rejoignent l’intime et l’extrême géographique». 
De quel genre littéraire relève cet ouvrage dans lequel David Collin affirme se résoudre à «renoncer au récit de voyage» pour «raconter ce que [il] n’avai[t] pas vu ou pas su voir»? Entrecroisant savamment souvenirs de voyage, réflexions et références à de nombreux écrivains – poètes, voyageurs, romanciers, philosophes, psychanalystes –, il propose une réflexion dense sur les sensations particulières éprouvées lors des ses déplacements vers «un ailleurs indéterminé et subjectif» ; ces voyages apparaissent avant tout comme une manière d’accéder à son intériorité, puisque le but, qui ne peut être atteint que par hasard, est de faire coïncider le dehors et le dedans: «Un voyage solitaire est un retour en soi.» Entre prose poétique et essai philosophique, Collin dessine une théorie du déplacement, où «la transe immobile d’un oubli de soi» est suivie d’un mouvement de retour sur soi; il place, au cœur de ce processus, l’épiphanie, qu’il décrit comme un instant de déstabilisation et d’illumination, un état d’«ouverture absolue au monde et à ce qui s’y présente», «une “apparition”, une “compréhension” particulière du monde», un fragment qui révèle le sens d’un ensemble, de manière fugitive et intense.
L’épiphanie illumine et superpose fugitivement les extrêmes – le lointain et le proche, le passé et le futur, l’altérité et l’identité, l’inconnu et le connu – tout en laissant une impression profonde et persistante. Elle relève d’une conception du monde où les coïncidences ne dépendent pas du hasard mais d’un enchaînement de faits et de circonstances qui possèdent une signification qu’il s’agit de déchiffrer; et enfin, elle transcende la structure linéaire de la temporalité. L’épiphanie présente des analogies avec l’écriture: exploration de limites qu’il serait difficile de définir, moyen de connaissance de soi, quête de sens au travers de signes qu’il faut interpréter et possibilité de déconstruire les enchaînements chronologiques. De plus, elle est liée à notre faculté à combler les interstices grâce à notre imagination: «L’épiphanie se trouve aux confins de deux instants. Elle favorise la fiction, notre capacité à dire ce qui n’existe pas.»
David Collin se dépeint en «aventurier des mondes intérieurs [qui] écri[t] d’un pays lointain». Alors qu’il ne note presque rien sur le moment, l’écriture lui permet ensuite de revenir sur ce qu’il a vécu, de se ressaisir des faits, non pas au passé, mais au présent: «Il se passe quelque chose, et l’écriture en retrouve l’épaisseur, dénoue les fils des coïncidences qui ont précipité l’avènement de ce bouleversement intérieur […].» Par ailleurs, il aime, durant ses voyages, flâner, observer ce qui l’entoure sans attente précise, et cette méthode aléatoire se retrouve dans sa manière de rédiger: «Au fur et à mesure de mes projets d’écriture, les éléments mus par le hasard, assemblés, constituaient un art incertain d’écrire, de s’écrire.» Il compare la rédaction à un déplacement qui se déroulerait à la fois dans un lieu physique et dans la langue: «J’écris comme un détective qui avance sans preuve, observateur et scribe aveugle scrutant l’espace géographique dans lequel il évolue, l’espace linguistique dans lequel il écrit.»
Dans le volume, les textes ne figurent pas dans l’ordre chronologique de leur parution mais sont regroupés par thématique. Une pensée se construit, au travers de plusieurs expériences fortes et fondamentales, qui apparaissent comme des variations d’une même quête du sens de notre présence au monde: l’impression de déjà-vu, le trouble extatique que suscite le saut dans l’existence et le bouleversement intime qu’est l’épiphanie, que Walter Benjamin nomme illumination profane. Cependant, si une logique se dégage indéniablement de l’ensemble, cet agencement parfois erratique, voire labyrinthique, désoriente au premier abord. Peu à peu, on réalise que cette construction par empilements de strates et mouvements de spirales, qui brouille la temporalité, nous oblige, en tant que lecteur, à vivre cette expérience de la déstabilisation qu’est l’épiphanie, telle que l’auteur l’éprouve au cours de ses voyages, et aussi alors même qu’il rédige: 
Le processus de l’écriture est un travail de stratification: une œuvre confuse est en chantier, elle se compose de textes et contextes, de récits et corrections. Quand vient la fatigue, les mots se dérobent sous le crayon, les lignes se dédoublent, la vue se brouille, les pages se densifient, camouflent plus qu’elles ne révèlent – il y manque des contours, ça flotte dans le blanc. Cette mise en danger du corps, perte d’équilibre et vacillement incertain, favorise les apparitions, engendre des récits imprévisibles, des fragments désorientés. Comme les parasites neigeux qui crépitent sur un écran sans image, le regard est aspiré par les turbulences; en surgissent parfois une forme inconnue, une idée lumineuse.
La lecture de Vers les confins offre ainsi la possibilité de se perdre et de s’oublier, mais surtout nous incite à voyager hors des sentiers battus, à ne craindre ni le flou ni la confusion, à dériver, jusqu’à cet instant précieux et aléatoire où tout coïncide, où tout fait sens." Claudine Gaetzi

mercredi 28 mars 2018

EMISSION VERSUS, sur VERS LES CONFINS, 26 mars 2018 (RTS-Espace 2)

Radio Télévision Suisse - Espace 2, émission Versus

C'est un élan, une aspiration. Un souffle qui mène vers. Vers l'ailleurs, vers l'intérieur. David Collin se promène, voyage et dérive, un carnet à la main. Ecrivain, journaliste, il est tout entier tendu vers cet instant où le dedans et le dehors se confondent, où le sens surgit soudain, dans une étincelle née du frottement de sa rétine sur un horizon. Il rassemble et adapte ici ses textes parus ailleurs. Et tout fait sens.

Par Linn Levy
Lectures : Frank Semelet
A lire : David Collin " Vers les confins ", postface de Claude Chambard, Editions Hippocampe, 2018.

LIEN VERS l'EMISSION

mardi 27 mars 2018

HOMMAGE à ELLA MAILLART

En mémoire d'Ella Maillart (20 février 1903-27 mars 1997) dont je n'ai que très brièvement croisée le regard, peu avant sa mort, et plus tard, dans un instant, dans une image, dans le regard d'un vieux ouïgour, sur un marché traditionnel de Khotan, au sud du désert du Taklamakan (Xinjiang, Chine). 
"Il s’est passé quelque chose d’inouï, je me suis senti perdu, et c’est ainsi que le voyage a commencé. A partir d’un point zéro, quand il n’y avait plus ni repère ni chemin. On ne déambule plus sur les traces de, vers ceci ou cela, c’est le monde qui passe autour de soi, qui nous traverse de part en part. Au Marché du lointain, dans la chaleur d’un début d’après-midi, j’ai manqué perdre l’équilibre.
On devrait marquer cet instant comme un lieu, dessiner un caractère sur le sable. Passé / présent. Un ailleurs intérieur, sans lieu défini, l’instant miraculeux où l’espace de rien du tout, restant à l’écart, je me suis senti au plus proche du lieu, de ceux qui l’avaient foulé. En « passant inaperçu » j’ai ressenti une proximité. Et, en ce lieu extrêmement condensé du voyage, j’eus le sentiment, comme jamais de m’approcher d’une résonnance, d’une épaisseur impalpable, d’une densité d’être, d’une vie qu’Ella Maillart savait percevoir sous le nom de « vie immédiate » ou ce qui ne peut être saisi."
David Collin, "Vers les confins", postface de Claude Chambard, Editions Hippocampe, 2018.




Photos : Ella Maillart (Cf. ellamaillart.ch/Musée de l'Elysée Lausanne)

dimanche 25 mars 2018

ARTICLE Vers les confins, Le Courrier, 16 mars 2018

D'UN PAYS LOINTAIN 

"Ecrire est un voyage dont on ne connait pas avec certitude le commencement", note David Collin. Et, un peu plus loin : "Le voyage nous invite à un déplacement de soi, qui en retour permet de se déplacer "en soi", et de retrouver cet inconnu dont nous avions oublié l'existence." 'Vers les confins' se situe dans cette tension entre géographie intime et espaces bien réels, intériorité et confrontation au monde : le voyage comme l'écriture invitent à arpenter des territoires, à dépasser des frontières, à transgresser, peut-être, certaines limites - de soi comme du réel. 

Sous-titré "Voyage, dérives, épiphanies", le recueil rassemble une quinzaine de récits publiés dans des revues et des ouvrages collectifs. On suit David Collin de l'Inde à la Chine, de l'Espagne au Rwanda, l'auteur entrelaçant dans un dialogue fécond souvenirs marquants et réflexions. Ses déambulations sont en effet prétextes à méditations, quand une rencontre, un paysage ou un choc se répercutent durablement en lui. On y croise ainsi des villes étonnantes et des géographies rêvées, les fantômes de l'histoire et les auteurs aimés - la littérature n'est-elle pas un autre ailleurs ? Nicolas Bouvier y côtoie Ernest MignatteVictor Segalen fait écho à Enrique Vila-Matas, et Borges à Rousseau, autre rêveur solitaire. 
La Route éveille, révèle, "Vers les confins" est placé sous le signe des épiphanies, ces "illuminations profanes" dont parlait Walter Benjamin : soudain "il se passe quelque chose, et l'écriture en retrouve l'épaisseur (...), cherche un langage pour dire, nommer les faits". Dans "Marché lointain", David Collin raconte précisément un de ces moments de grâce, quelques secondes suspendues dans le silence et l'immobilité : le monde s'arrête soudain, trajectoires physiques et intérieures se confondent. "Ivresse, perte d'équilibre", note-t-il. Ce point zéro est celui d'un basculement. Le périple n'est pas seulement horizontal : au-delà du récit de voyage et de ses péripéties très concrètes et pleines de vie, David Collin explore aussi bien les espaces du dedans, une verticalité reçue comme un cadeau." (Anne Pitteloud, Le Courrier, 16 mars 2018).

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DE UN PAIS LEJANO

"Escribir es un viaje del que no se conoce con certeza el comienzo", señala David Collin, y un poco más adelante: "El viaje invita a desplazarnos dentro de nosotros mismos y a reencontrarnos con ese desconocido de quien habíamos olvidado la existencia. "Hacia los confines" se sitúa en una tensión entre la geografía íntima y los espacios reales, entre la interioridad y la confrontación con el mundo. Tanto el viaje como la escritura invitan a recorrer territorios, a cruzar fronteras, a transgredir quizá ciertos límites, los propios y los reales.

Subtitulado "Viajes, derivas y epifanías", el libro reúne unos quince relatos publicados en revistas y obras colectivas. Seguimos a David Collin. desde la India a la China, desde España a Ruanda. En un diálogo fecundo, el autor entrelaza recuerdos memorables y reflexiones. Sus deambulaciones son, en realidad, pretextos para meditaciones, cada vez que un encuentro, un paisaje o un choque, le dejan una impresión durable. Así se atraviesan ciudades sorprendentes y geografías de ensueño, los fantasmas de la historia y los autores admirados, no es acaso la literatura otro tipo de lugar lejano? Nicolás Bouvier se codea con Ernest Mignatte, Victor Segalen conversa con Enrique Vila-Matas, y Borges, con Rousseau, otro soñador solitario.

La ruta despierta, pone de manifiesto. "Hacia los confines" gira en torno a las epifanías, esas "iluminaciones profanas" de las que hablaba Walter Benjamin. De pronto "algo sucede y la escritura recobra su espesor (...), busca un lenguaje para decir, para nombrar los hechos." David Collin cuenta precisamente uno de esos momentos de gracia, unos segundos suspendidos en el silencio y la inmovilidad: de repente el mundo se detiene, los trayectos físicos se confunden con los interiores. "Embriaguez, pérdida de equilibrio", constata David Collin. Ese punto cero es el de un cambio rotundo. El periplo no es solo horizontal, más allá del relato de viaje y de sus peripecias bien concretas y llenas de vida, David Collin explora también los espacios interiores, una verticalidad que es recibida como un regalo."

Anne Pitteloud, Le Courrier, Genève, 16 mars 2018. 
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(Traduction en espagnol avec Susana Nigro)
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REF : 
David Collin, "Hacia las confines / Viajes, derivas y epifanías", Hippocampe editorial (Lyon), 2018 ("Vers les Confins / voyages, dérives, épiphanies", postface Claude Chambard, Editions Hippocampe 2018).